i think i need a hug. ✎ (cléo)

Allongé sur le parquet de ta chambre, la tête tournée vers la fenêtre, tu regardes le ciel. Tu attends la nuit. En réalité, tu t’ennuies. En te levant ce matin, tu t’es étalé comme une crêpe à cause de ton état plus que grippal et tu n’as pas eu le courage de tenter de te relever depuis. Tu as quand même pris soin d’appeler ton patron pour lui signaler ton absence. Tu tombes rarement malade mais en général, quand ça t’arrive, ce n’est jamais à moitié. Ton ventre gargouille, tu as faim. Tu fermes les yeux pour essayer de visualiser le contenu du frigo, mais tu crains qu’il ne soit pas très rempli. Tu soupires. Tu commences par t’assoir tout doucement, puis une fois sûr que ta tête ne tourne pas, tu entreprends de te mettre debout. Tu te connais, alors tu fais attention de bien te tenir en marchant, on ne sait jamais. Tu arrives jusqu’au frigo. Vide. C’est bien ce qu’il te semblait. Bon. Tu avales un cachet avec un grand verre d’eau -comme indiqué sur la notice- puis tu enfiles ta veste et tes chaussures. Tu es vêtu d’un jogging gris et d’un tee-shirt trop grand pour toi … ton pyjama quoi. Mais bon, tu t’en fiches. Ton but est d’atteindre l’épicerie du coin, d’acheter de quoi ne pas mourir de faim, et de rentrer chez toi, le tout en une seule fois et sans encombres. Tu sors de chez toi en prenant soin de bien fermer la porte à clés, puis tu commences à descendre les escaliers, marche par marche. Un étage. Deux étages. Tro… Tu as oublié de faire tes lacets, et au moment tu t’en rends compte, il est déjà trop tard. Tu as marché dessus. Ton pied refuse de décoller, mais comme un imbécile tu continues de tirer comme s’il allait miraculeusement se décoincer. Sauf que pour ça, tu te penches en avant et le sol se rapproche dangereusement. Tu tentes de te rattraper à la rampe, mais tu la loupes de vraiment pas grand chose. « kyaaaah » un cris étouffé sort de ta bouche alors que tu dévales les escaliers dans tous les sens. Arrivé en bas, tu soupire. Désespérant, c’est le mot. Tu restes quelques minutes allongé par terre à te remettre de tes émotions. Tu te redresses et viens t’adosser contre le mur. L’un des voisins, affolé par le bruit, vole à ton secours seulement vêtu d’une serviette de bain. Tu rigoles bêtement en touchant ton front qui te lance un peu. Oh, du sang… « Tout va bien ? » te demande-t-il. Avec un grand sourire, pour changer, tu lui réponds simplement que tu as vu pire et que ça ira. Il se penche tout de même vers toi pour examiner ton front. « Ça m’a l’air profond. Vous devriez peut-être aller à l’hôpital. » Tu acquiesces d’un signe de tête. « Je m’habille et je vous emmène. » Tu lui attrapes le bras avant qu’il n’ait le temps de remonter la première marche. « Vous en faites pas, je connais le chemin. » lui affirmes-tu, mais il n’a pas l’air convaincu. De toute façon, tu t’en fiches. Le temps qu’il revienne, tu seras déjà parti. Dès qu’il ne peut plus te voir, tu attaches rapidement tes lacets et te relèves. Aller, direction les urgences. Heureusement que l’hôpital n’est pas loin.

Tu passes les portes des urgences, la main appuyée sur ton front qui saigne toujours. Tu regardes autour de toi, tu te sens un peu perdu. La fièvre qui revient, surement. Tu sais que tu devrais t’adresser à la demoiselle à l’accueil, sauf que tu aperçois ta voisine. Comment elle s’appelle déjà ? Chloé ? Non, Cléo. Elle commence à avoir l’habitude de te voir ici, en même temps, tu as un peu pris un abonnement aux urgences. Tu te diriges dans sa direction en affichant un petit sourire malgré la douleur et ta vision de plus en plus trouble. Tu tapotes son épaule pour qu’elle se retourne, puis bégayes quelque chose avant de manquer de t’effondrer. Tu te rattrapes de justesse au lit à côté de toi. C’est quoi que t’as dit déjà ? « J’crois que j’vais mourir cette fois… » Ah quel bébé, j’vous jure.

Heureusement que le lit était là, et que Cléo aussi, d’ailleurs. Sans eux, tu te serais retrouvé par terre… encore. Décidemment, tu n’y vas pas de main morte aujourd’hui. « Eh bien, cela ne sera que la dixième fois. Ce n’est pas si terrible que ça. » Tu es totalement dans la lune. Tellement que tu en viens à te demander d’où vient cette voix que tu entends. Tu es pourtant persuadé qu’elle n’est pas juste dans ta tête. Seulement, la pièce tourne … un peu trop à ton goût. Alors tu lèves les yeux vers le plafond et cherche un point lumineux à fixer. Comme quand tu es légèrement bourré et que tu ne peux pas fermer les yeux sans que la terre se mette à tourner dans tous les sens. Attends une minute, la dixième fois ? C’est vraiment la dixième fois qu’elle te voit ici ? En te concentrant un peu tu arrives à replacer la voix sur la tête de la jeune femme et à réfléchir un peu… « Tu as compté ? » demandes-tu sans te préoccuper du fait que tu ne la vouvoies pas. Tu devrais peut-être. Tu ne sais pas trop. De toute façon, si c’est une erreur, ce n’est pas bien grave. Tu es mourant. Tu ne vivras peut-être pas pour en subir les conséquences. Tu ris tout seul à cette idée. Tu as vraiment l’air stupide. « Je m’en occupe. » Hein ? De qui ? De quoi ? Pourquoi ? Aaaah ! Ouais, parce que ça finit par faire tilt dans ta petite tête. Tu souris en montrant tes dents. Tu as vraiment dû prendre un sacré coup sur la tête. Avec l’aide de l’infirmière, tu te retrouves assis quelque part. Tu ne sais pas trop où. Ça continue de tourner, tu soupires en te massant les paupières. Cependant, Cléo avait raison. C’est vraiment mieux d’être assis que debout vu ton état. Lorsque tu rouvres les yeux, la jeune femme est à quelques centimètres de ton visage pour observer ta blessure de plus près, tu te sens rougir jusqu’aux oreilles. C’est qu’elle te plait ta petite voisine ! Oui, parce que il ne faut pas oublier que vous habitez dans le même immeuble. A tous les coups, elle te prend pour un stalker. Ahah, ce serait con. « Qu’est-ce qu’il vous est arrivé cette fois ? » Ce qui t’es arrivé ? C’est tout con, tu as oublié ta tête chez toi. Ça t’arrive souvent en ce moment. Tu soupires à nouveau. Tu en as un peu marre de passer pour un abrutit alors que tu sais que tu es brillant. Brillant certes, mais plus maladroit, tu meurs. « Des extraterrestres ont essayé de m’enlever. Je m’élevais vers la lumière et puis soudain, plus rien. Plus de lumière, plus de vaisseau spatial. Et je suis retombé sur Terre, la tête la première… » Le pire, c’est que juste avant de raconter ton histoire, tu pensais vraiment que ce serait crédible. Tu es juste bizarre en fait. Et maintenant, elle va te prendre pour un fou. Tu laisses échapper un petit rire gêné. « J’ai voulu aller faire quelques courses pour pouvoir hiberner tranquillement chez moi et faire passer ma crève, sauf que comme j’ai pas toute ma tête à cause de la fièvre, j’ai oublié de faire mes lacets... J’ai marché dessus. Dans les escaliers… » Pas besoin d’en dire plus, elle a surement compris. Par contre, j’veux pas dire, mais elle a beau dos la fièvre hein ! « Un type a voulu me déposer, mais je me suis sauvé avant qu’il se rhabille. Et du coup, j’ai marché. » Hm… Fais attention, tu deviens vraiment flou sur les détails. Ce serait bête qu’elle interprète mal tes propos.

Sa remarque, bien que totalement justifiée, te fait te sentir un peu bête. Faut dire que tu es quand même relativement conscient de ta maladresse. Tu n’es vraiment pas doué, tu le sais, mais tu es comme ça. Même en te concentrant, même en faisant attention, tu finis toujours par te casser la figure, te couper ou bien te cogner … parfois même les trois d’un coup. « Désolé. » t’excuses-tu un peu gêné. C’est qu’elle doit en avoir marre de te voir à force.

« Et bien, vous avez vraiment du vous cogner très fort la tête. » Tu arques un sourcil. Mais pourquoi est-ce qu’elle dit ça ? C’est super plausible le coup des extraterrestres ! Ouais, peut-être pas en fait. Tu baisses la tête, tel un enfant timide, puis souris. Tu ne sais pas vraiment pourquoi d’ailleurs, mais tu souris quand même. Comme toujours en fait. La vraie version de ton accident semble amuser la jolie petite infirmière, et ça ne t’aide pas à te sentir moins bête. M’enfin, tu le savais dès le début que tu aurais l’air ridicule. Tu commences à avoir l’habitude maintenant. Mais il n’empêche que ça t’agace d’être comme ça. Aujourd’hui, tu as l’excuse de la fièvre pour atténuer ton cas, mais il t’est arrivé bien des mésaventures et tu n’avais rien à blâmer. Parfois, tu te dis que tu aimerais beaucoup être comme tout le monde. Quand tu penses que certaines personnes n’ont jamais, dans leur vie, visité les urgences du coin. Ça te sidère. Tu ne comprends même pas comment c’est possible. « Cela me semble plus probable que les extra-terrestres. Je pense que je vais vous donner quelque chose pour calmer cette fièvre. Mais dîtes-vous bien que vous avez été assez chanceux pour le coup. Cela aurait pu être plus grave que ça. Il faut croire que vous avez la tête dure. » Tu acquiesces d’un simple hochement de la tête. A vrai dire, tu ne sais pas quoi lui répondre. Tu pourrais lui dire que tu feras plus attention la prochaine fois, mais tu sais très bien que ce n’est pas vrai. Tu es comme ça, une catastrophe ambulante. « Merci. Je crois que c’est à force de prendre des coups, je me suis endurci. » Puis, tu réfléchis trente secondes et tu te rends compte de ce que tu viens de dire. Bon sang, ce que tu peux être étourdi parfois ! « Pas que j’ai été battu par mes parents ou quoi que ce soit, juste que j’ai l’habitude de me prendre des obstacles… » Les obstacles étant tout ce qui est inanimé. Des poteaux, des murs, des panneaux publicitaires aussi… Bref, c’est toi quoi.

« Oh.. » Oh ? AIIE ! Tu grimaces alors que Cléo désinfecte ta plaie. C’que ça pique. Tu plisses les yeux et serres les dents. Ce n’est rien, qu’un mauvais moment à passer. Tu respires profondément. C’était quoi ce ‘oh’ déjà ? « Vous auriez dû attendre qu’il se rhabille, cela vous aurez évité ce souci. Vous souhaitez peut-être le contacter ? Il va peut-être s’inquiéter de ne pas vous voir revenir ? » Hein ? Le contacter ? Mais pourquoi faire ? Tu te demandes même si tu ne t’es pas évanouie pendant qu’elle nettoyait ta plaie. Non, sérieusement, t’as loupé un épisode. « Bof, je le connais pas tant que ça. Je l’ai juste croisé tout à l’heure, je n’ai ni son nom, ni son numéro de téléphone. Et ça m’étonnerait qu’il s’inquiète. » Tu marques une légère pause. « C’est l’un des gars du deuxième, tu le connais peut-être ? » C’est vrai que Cléo est aussi ta voisine. Peut-être qu’elle sait de qui il s’agit ? Peut-être pas. Ça t’importe pas vraiment de toute façon.